Louis-Augustin Auguin
(Rochefort-sur-Mer 1824-1903 Bordeaux)
Le Calme, Littoral landais, Contis
Huile sur toile, 48 x 72,5 cm
Inscription au dos « Contis, Landes / 85 / L.A. Auguin »
Exposition :
Catalogue des œuvres d’Auguin figurant à l’exposition rétrospective de son œuvre, organisée par Mlle Duinguindar, ouverte le 5 mai 1904 : « N°23. Le Calme – 1885 – Littoral landais – Contis, à Mlle G. Dinguindar. »
Bibliographie :
Jean-Roger Soubiran, Dominique Dussol et Christel Haffner-Lance, Peindre les Landes, d’Hossegor à Soulac, Bordeaux, 2012.
Vendu
|
|
|
Notice de l'oeuvre :
Louis Augustin Auguin est considéré comme le chef de file de l’école des paysagistes bordelais. Originaire de Rochefort, il se familiarise, dès son enfance, avec les variations de lumière et les horizons illimités des rives de l’océan Atlantique. Il reçoit les leçons de dessin de son père, puis obtient une bourse annuelle qui lui donne l’occasion de poursuivre ses études à Paris. Lorsqu’il arrive dans la capitale, en 1842, il se forme, sans grand enthousiasme, dans l’atelier du paysagiste Jules Coignet. Il reçoit également les conseils de Corot, et fréquente avec assiduité le Louvre. Auguin voyage à travers la France, et découvre notamment le Languedoc, le Limousin, la Normandie et les Pyrénées. Il regagne sa région après la révolution de 1848, et ouvre à Rochefort une école de dessin. Il forme en compagnie de Corot, Courbet et Hippolyte Pradelles, un atelier éphémère en plein-air baptisé le « groupe du Port-Berteau ». Les quatre peintres exposent leurs œuvres à Saintes en 1863. Les toiles d’Auguin sont encore marquées par les leçons de Coignet. Il fait preuve d’un souci de vérité qui trahit également l’influence de Courbet.
La même année, Auguin déplace son atelier à Bordeaux et ouvre une école de peinture fréquentée par un grand nombre de paysagistes de l’école bordelaise. Il participe régulièrement au Salon de la Société des Amis des Arts de Bordeaux ainsi qu’au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts, et obtient plusieurs récompenses. Il expose également à l’étranger, à Vienne, Amsterdam ou Anvers.
Lorsqu’Auguin réalise notre œuvre, en 1885, il est déjà considéré comme un peintre renommé, ayant atteint sa pleine maturité. Entre 1880 et 1885, il abandonne ses représentations de soleils couchants d’inspiration romantique pour amorcer une évolution « à demi-impressionniste », selon Roger Bonniot. Il privilégie désormais les paysages de dunes et les rivages de l’océan rendus dans des tonalités claires, et sillonne pour cela le bassin d’Arcachon, la région de Lacanau et des Landes. Il obtient une médaille de seconde classe pour son tableau Un jour d’été à la grande Côte, présenté au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts en 1884, qui suscite l’enthousiasme de la critique (ill. 1) : « de l’air, de la lumière, de l’intensité! La palette de M. Auguin ruisselle d’incandescences et l’émotion que l’on éprouve devant son œuvre est faite d’un sentiment large et puissant d’infini1 ».
Auguin dépasse progressivement le principe de la marine conventionnelle. Notre œuvre s’inscrit dans une série de mers calmes commencées au cours de l’été 1884 sur la côte landaise. L’évanescence et la sérénité de ces toiles, peintes dans une gamme de tons clairs, s’opposent à la force et la violence des mers agitées réalisées par Courbet à Etretat quinze ans plus tôt. Contrairement à ce dernier, qui traite l’océan en contraste, Auguin privilégie des teintes pâles, afin de rendre la limpidité du ciel et de l’eau (ill 2). Il aboutit à Mer Calme – le calme de la conche, conservée aujourd’hui au musée de Cognac. Dans cette toile, présentée au Salon de 1886 et remarquée par la critique, l’artiste nous offre la vision de « l’océan sous la gaze laiteuse des nuées matinales2 », (ill. 3).
Cette série des mers calmes fait écho à l’esthétique de Whistler. Dans Sea and Rain et dans Crépuscule en Opale, on retrouve la même sobriété, la clarté de la palette et le même goût pour les lavis (ill. 4 et 5). Les deux artistes privilégient tous deux une sorte de mélancolie poétique.
Auguin fait primer la fraîcheur des tons et de la lumière sur le sujet. Il structure l’espace par des bandes horizontales, mais les lignes, toujours floues, se fondent dans une sorte de brume. Il retranscrit une vision d’une grande fluidité, où le ciel et la mer se mêlent l’un à l’autre. Dans sa tentative pour exprimer le dialogue entre le sable, l’eau et le ciel, Auguin parvient aux limites de l’abstraction. Il adopte une facture sobre et transparente, qui fait naître un sentiment de recueillement contemplatif. Aucun détail ne permet d’identifier précisément la plage de Contis dans les Landes – le site est connu grâce à l’inscription au dos de la toile –, car l’immensité et l’atmosphère flottante, presque insaisissable et irréelle, constituent finalement les véritables sujets de la toile.
Notre toile, d’une grande délicatesse, correspond au numéro 23 du catalogue de l’exposition rétrospective de l’œuvre d’Auguin, organisée en mai 1904 par Gabrielle Dinguidar, élève d’Auguin : « Le Calme – 1885 – Littoral landais – Contis, à Mlle G. Dinguidar ». Gabrielle Dinguidar, pastelliste de talent et professeur de dessin, accompagne les dernières années de son maître, et hérite de toutes les peintures et souvenirs se trouvant dans l’atelier de l’artiste à Bordeaux. Ses biens sont dispersés après son décès en 1938.
Sensible aux évolutions de son siècle, Auguin emprunte à ses contemporains, tout en faisant preuve d’une certaine réserve. Séduit par la clarté de l’impressionnisme dans ses années de maturité, son ultime but reste avant tout la recherche d’une lumière parfaitement maîtrisée. Fidèle à son terroir, le peintre offre finalement une nature dénuée de toute trace de vie humaine, où rien ne vient perturber la communion entre la terre, la mer et le ciel. Il parvient ainsi à exprimer des atmosphères marines emplies de poésie et de sérénité.
Amélie du Closel
1 A. Mateur, Le Nouvelliste.
2 Alfred de Lostalot, « Le Salon de 1886, La Peinture, 1er article », Gazette des beaux-arts, 1er juin 1886, p. 478.
Bibliographie en rapport :
Roger Bonniot, « Artistes oubliés, Le peintre paysagiste saintongeais, Louis-Augustin Auguin », Cahiers de la Revue du Bas Poitou et des Provinces de l’Ouest, octobre 1964.
Autour de Courbet en Saintonge, Saintes, musée de l’Echevinage, 9 juin – 16 septembre 2007, catalogue d’exposition, Bordeaux, 2007.
|