Notice de l'oeuvre :
Constantin Guys naquit en Hollande de parents français. Il s’engagea dans l’armée et participa à la campagne de Grèce en 1821, aux côtés de Byron. Il commença à se faire connaître pour son art dès 1830. A partir de 1842, il devint reporter pour l’Illustrated London News. L’artiste entreprit une série de voyages en Orient et en Europe. Il retranscrivit des évènements majeurs, tels que la révolution de 1848 ou la guerre de Crimée. Ce chroniqueur brillant de la vie de son temps exécuta également un grand nombre d’études de la vie mondaine parisienne, évocatrices des milieux dans lesquels il évoluait : il illustrait tantôt la vie de la bonne société, avec ses élégantes (cf. ill. 1 et 2), dandys et u gré de ses rencontres, des matelots, soldats, musiciens ambulants, défilés de troupes ou de carrosses.
Notre dessin met en scène deux élégants vus de dos, désignés, au milieu du XIXème siècle, par les termes « lion » et « lionne ». Selon Pommier, « il est au monde un être (on le nomme lion, Je ne sais trop pourquoi), dont la profession est de n'en point avoir (...) Il compte pour ancêtres les muguets, raffinés, mirliflors, petits-maîtres, muscadins, merveilleux, incroyables1 ». Dans notre œuvre, l’homme porte un pantalon à carreaux, apprécié pour son côté « bohème-chic », qui revint fréquemment à la mode au XIXème siècle, notamment dans les années 1850. Une lionne désignait une femme ayant un goût prononcé pour la toilette et les mœurs libres, ou une femme en vue, en proie à un certain succès mondain, sujet de toutes les conversations. Dans son dictionnaire de la langue verte, Alfred Delvau définissait la lionne comme « un petit être coquet, joli, qui maniait parfaitement le pistolet et la cravache, montait à cheval comme un lancier, prisait fort la cigarette et ne dédaignait pas le champagne frappé ». Dans notre dessin, la jeune femme, qui soulève effrontément sa robe, dévoile son jupon et ses souliers, à l’instar d’une autre élégante au regard aguicheur, conservée à Houston (ill. 1).
La technique du lavis employée dans notre œuvre, peut être considérée, avec l’aquarelle, comme le mode d’expression privilégié de Constantin Guys. L’artiste travaillait toujours de mémoire, jamais sur le motif, et ne retenait que l’essentiel d’un mouvement ou d’un caractère. D’une extrême fugacité, son dessin, bien que descriptif, est allusif et pressé. Il avait, selon Gautier, « le don de prendre en quelques minutes le signalement des choses ».
Relativement démuni, Constantin Guys mena une vie vagabonde. De son vivant, ses œuvres n’avaient qu’une faible valeur marchande. Il suscita cependant l’enthousiasme des Goncourt, de Gustave Geoffroy, de Roger-Marx et de Baudelaire. Ce dernier consacra à l’artiste un article élogieux, intitulé « Le peintre de la vie moderne », publié en 1863. Baudelaire avait prédit, à juste titre, que les dessins de Guys deviendraient « les archives précieuses de la vie civilisée, comme tous ceux de ces artistes exquis qui, pour n’avoir peint que le familier et le joli, n’en sont pas moins, à leur manière, de sérieux historiens ».
Un grand nombre de feuilles de cet artiste prolifique sont aujourd’hui conservées dans les collections publiques, notamment au Louvre, au musée Carnavalet et au Petit Palais.
Amélie du Closel
1Pommier, Colifichets, 1860.
Bibliographie en rapport :
Constantin Guys, 1802-1892 : fleurs du mal : dessins des musées Carnavalet et du Petit Palais, musée de la vie romantique, 8 octobre 2002 – 5 janvier 2003, Paris, 2002.
Pierre Duflo, Constantin Guys, fou de dessin, grand reporter, 1802-1892, Paris, 1988.
Gilda Piersanti, Constantin Guys : il pittore della vita moderna, Rome, Palazzo Braschi, 10 septembre - 5 octobre 1980, catalogue d’exposition, Rome, 1980.
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