Pierre Dumont (Paris 1884- Paris 1936)
L’Abbatiale de Saint-Ouen
Technique mixte sur papier, 380 x 500 mm
Provenance :
Collection particulière française ; vente Paris, hôtel Drouot, 2010.
Bibliographie :
Pierre Dumont, 1984-1936, exposition Rouen, galerie Bertran, 29 septembre-31 octobre 2005.
G. de Knyff, Pierre Dumont (1884-1936), Ed. Mayer, Paris, 1984
F. Lespinasse, L’Ecole de Rouen, Fernandez Frères Editions d’Art, Rouen, 1980
P. Varenne, Pierre Dumont, exposition rétrospective du 15 décembre 1944 au 6 janvier 1945 à la galerie G. Denis, Paris, 1945
G. Jolidon, L’Ecole de Rouen : à la découverte d’autres impressionnistes, exposition à la galerie Letailleur (Paris, rue de Seine), Paris, publication non datée, p. 22.
Exposition :
Galerie Bertran, Rouen, 2005
Galerie Matignon, Paris, 1989
Galerie Alain Letailleur, Paris, rue de Seine, L’Ecole de Rouen : à la découverte d’autres impressionnistes.
Originaire d’une famille rouennaise, Pierre Dumont appartient à la deuxième génération de peintres de l’Ecole de Rouen, appellation utilisée pour la première fois en 1902 par le critique Arsène Alexandre à propos des paysagistes Joseph Delattre, Léon-Jules Lemaître, Charles Angrand et Charles Frechon, artistes rouennais intéressés par le néo-impressionnisme, et particulièrement le pointillisme de Seurat. En rupture avec l’académisme officiel et très attachés à leur région, ces peintres ont illustré la vallée de la Seine jusqu’aux rives de la Manche et ses effets lumineux, dont le climat spécifique de brumes et de nuages modulant la lumière avait déjà attiré Monet, Pissarro, Sisley et avant eux Boudin et Turner. Le groupe auquel se rattache Dumont, celui des artistes nés entre 1880 et 1900, entre en relation avec les mouvements fauves et cubistes.
Après les expositions municipales de Rouen en 1903 et 1906, Pierre Dumont, initié à la peinture dans l’atelier de Joseph Delattre, rue des Charettes, et défenseur des avant-gardes, estime qu’il faut modifier l’art rouennais. En 1907, il expose, au Salon des Artistes Rouennais organisé par M. Delaunay, ses premières peintures au style puissant et vigoureux, huit œuvres fauves aux violents contrastes de couleurs pures et à la touche large et vigoureuse. Désirant faire écho à l’évolution picturale parisienne qui bouleverse les traditions, Pierre Dumont crée alors un salon parallèle, l’exposition des « XXX ». Parmi les œuvres de Matisse, Braque, Vlaminck, Marquet, Derain se trouvent celles des rouennais Pinchon, Trivert et Louvrier. En juin 1909, Pierre Dumont fonde La Société de Peinture Moderne et organise sa première exposition particulière en juillet à la galerie Legrip, où il montre sa série de « Cathédrale de Rouen ». Georges Dubosc, critique et historien d’art, déclare : « [elles] ne manqueront point d’éveiller les discussions. Comme à l’ordinaire, elles flamboient et elles rutilent sous des ciels de féérie, embrasées de rose ou plus souvent sur des nuées jaunies et sulfureuses, virant jusqu’à l’outrance des effets… » . A partir de 1911, Pierre Dumont, par l’entremise de Marcel Duchamp, rencontre Guillaume Apollinaire et commence ses recherches cubistes. Il habite alors au Bateau-Lavoir où il rencontre Juan Gris, Max Jacob et d’autres. Dumont expose à la Société Normande de Peinture Moderne, au Salon des Indépendants, au Salon d’Automne et, en octobre 1912, à l’exposition « La Section d’Or » à la galerie La Boétie. La toile manifeste de cette exposition est une composition cubiste de Pierre Dumont. Il clôt alors son expérience cubiste, acquiert un style plus personnel et transpose l’univers parisien dans ses toiles, tout en multipliant les portraits. Il expose à Paris en 1914 douze « Cathédrale de Rouen ». Parmi ses acheteurs, citons Roussel et Bernard Dorival… L’Etat lui achète une toile : Quais de Rouen, 1915. Pierre Dumont renouvelle ses envois aux Indépendants et au Salon des Artistes Rouennais, et organise, en 1919, sa deuxième exposition particulière à Paris. Il réalise, entre 1924 et 1927, des œuvres de voyage qu’il expose, parmi d’autres toiles, à la galerie Durand-Ruel en 1928, consécration pour l’artiste. En 1931, il fait son dernier envoi au Salon des Artistes Rouennais. Malade, Pierre Dumont cesse de peindre en 1933 et meurt en 1936, laissant derrière lui une production de trois mille toiles au sein de laquelle notre tableau demeure une œuvre unique.
Comme le précise Georges-Marie Jolidon dans le catalogue de l’exposition à la galerie Letailleur : « Cette peinture au pochoir est un genre assez inhabituel chez Dumont, peut-être exécutée vers 1905. Il faut admirer dans ce tableau, outre la technique, l’atmosphère d’irréel qui s’en dégage ainsi que les teintes pastel parfaitement estompées donnant l’impression que L’Abbatiale de Saint-Ouen surgit au travers d’un épais brouillard. C’est une œuvre rare parmi sa production estimée à près de trois mille toiles » .
La technique et la gamme chromatique employées pour représenter ce sujet rouennais cher à l’artiste, sont uniques dans l’œuvre de Dumont, que l’on connaît davantage comme un « coloriste ardent, gras, triturateur d’une pâte éminemment plastique […] (qui) équilibre les plus violentes harmonies ». Nous pouvons donc situer cette œuvre aux débuts des recherches plastiques de Dumont, dans sa période d’initiation, qui passe par une phase d’appropriation de l’héritage impressionniste, avant qu’il ne soit remis en question par la leçon de van Gogh et de Cézanne.
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F. Lespinasse (1980), page 116
G.-M. Jolidon, page 22
P. Varenne (1945), page 33