Lorsque deux supers-nouveaux-riches convoitent le même objet, le prix n’a plus de limite, l’argent n’a plus de valeur. Jusqu’ici les records saluaient la beauté : les Noces de Pierrette de Picasso (ill. 3) crevèrent les premières de leur rythme lascif le plafond des 300 millions (nous étions en francs). Puis ce fut au tour d’un fulgurant Rubens, le Massacre des Innocents (ill.4) de devenir le tableau de maître ancien le plus cher du monde.





Aujourd’hui cet indécent record scelle le triomphe du vide, sans doute la raison pour laquelle les stratèges de la maison de vente ont-ils choisi de le déplacer dans une session d’Art Contemporain! Car qui peut dire qu’il a été touché par la beauté de ce Christ au regard absent ? Qui peut dire que là est le prix de la beauté ? Voyez par comparaison les larmes d’un autre Christ, celui d’Antonello da Messina (ill. 5), tableautin contemporain de notre Christ bénissant et lui aussi payé un prix record, mais en silence, par le Musée du Louvre il y a trente ans. N’est-il pas plus émouvant, plus troublant dans son réalisme implacable ? Antonello a été payé à l’aune de son pouvoir d’attraction. Antonello n’est pas Leonardo…